Trouble anxieux ou harcèlement au travail ?
À mon ancienne job, j'ai vécu une situation de harcèlement avec mon supérieur hiérarchique. Les demandes pour des sorties hors travail se multipliaient, jusqu'à l'offre de partager une chambre d'hôtel lors d'un déplacement. L'ambiguité régnait, et ses intentions n'étaient jamais claires. Mais les refus de ma part donnaient lieu, invariablement, à des convocations dans son bureau, pour être sermonnée sur la qualité de mon travail.
La relation de travail s'est ainsi progressivement détériorée, jusqu'à ce que la méfiance s'installe. Des confidences personnelles, recueillies en mode "on est amis, tu peux me parler sincèrement" étaient utilisées contre moi lors de rencontres de gestion. Des informations contradictoires m'étaient envoyées. Des stratégies de manipulation étaient mises en place. Mon supérieur hiérarchique entrait souvent en trombes dans mon bureau pour m'attaquer personnellement et agressivement et ce, sans témoin. Après quelques mois de ça, j'ai commencé à présenter des symptômes d'anxiété. Difficulté à me concentrer, crainte constante, sentiment de qui-vive, peur de me retrouver seule avec lui.
Après plusieurs mois, j'ai décidé de porter plainte à une personne du travail. Elle ne m'a pas cru, c'était ma parole contre la sienne. Elle a cru que je faisais de la diffamation. On m'a donc demandé de régler ça à l'amiable avec la dite personne. Le processus a été pénible, et a donné lieu à deux semaines de sursis. Par la suite, la situation a de nouveau explosé. Sans me perdre dans les détails, j'ai alors vécu l'enfer pendant un mois et demi. L'anxiété était toujours là, la capacité de me concentrer pratiquement nulle, le stress, constant. Je rentrais chaque soir du travail en pleurant, mon conjoint m'appuyant et m'écoutant, horrifié. N'ayant aucun témoin de ses agissements, j'étais terrorisée de jouer de nouveau ma parole contre la sienne, de peur de ne pas être crue. Je ne savais pas quoi faire et me sentais piégée. J'ai cessé de dormir, je me levais la nuit pour marcher parce que j'étais trop en colère et que je me sentais trop impuissante. Je faisais des aller-retour sur le trottoir en me parlant seule, pour me calmer. Je savais que ma santé mentale était atteinte, et que je ne pourrais pas tenir longtemps à ce régime. Sans le soutien de mon conjoint, je me serais probablement effondrée. Mon espoir: qu'il quitte cette fonction, ce qu'il laissait entendre de plus en plus. Je me disais que le travail redeviendrait vivable sous peu.
Or, ça ne s'est pas passé comme ça. Il a annoncé qu'il demeurait en poste la même journée qu'il m'a violemment attaquée verbalement devant de nombreux témoins, sans que personne n'intervienne directement, estomaqués par la situation. Tout de suite après, certains sont venus me voir en compatissant et s'inquiétant. Mais mon sentiment d'être en sécurité lorsque j'étais avec des témoins venait de s'effondrer. Ce soir-là, je suis sortie du travail pour m'effondrer en larmes sur le trottoir. J'ai pleuré pendant une heure, incapable de m'arrêter. Je ne pensais pas être capable physiquement de rentrer chez moi. Mon corps était paralysé. Je suis finalement retournée à la maison, pleurant pendant l'heure complète du trajet en transport en commun. Pas capable de me retenir. Le jour suivant, je me suis présentée chez ma médecin de famille, lui expliquant la situation. Elle m'a écouté longtemps et diagnostiqué un "trouble de l'adaptation lié à une situation de harcèlement psychologique de la part d'un supérieur hiérarchique". Cela me semblait un diagnostic juste, qui prenait en compte mon histoire. Elle m'a prescrit des somnifères, ce que j'ai refusé. Je me disais: "J'ai besoin de changer la situation, pas de me droguer pour dormir."
Quelque semaines après, j'ai quitté mon travail. Dégoûtée. Mais j'ai recommencé à dormir.
Une citoyenne de Montréal